28.10.04

Sur l'affiliation obligatoire

Georges Lane commente le communiqué du Ministre de la santé sur l'affiliation obligatoire à la sécurité sociale, en date du 22 octobre.


Les ministres informent que :
"A la suite de récentes informations parues dans la presse, le ministère de la Santé et de la Protection sociale et le secrétariat d’Etat à l’Assurance maladie rappellent que toute personne qui travaille et réside en France est obligatoirement affiliée au régime de sécurité sociale français dont elle relève : régime général des salariés, régimes des non-salariés ou régimes spéciaux. A ce titre, elle est assujettie aux cotisations de sécurité sociale correspondantes, à la CSG et à la CRDS."

Georges Lane :
Le problème de l'obligation de SS est donc enfin officiellement posé, pour la première fois. Cela est très important.

Laure :
En effet, on se souvient qu'une question écrite d'un député à ce sujet était restée sans réponse...

Le communiqué poursuit :
"Cette obligation respecte pleinement les directives européennes sur l’assurance (directives CEE 92/49 et CEE 92/96). Ces directives ont mis en place un marché unique de l’assurance privée mais ne concernent pas les régimes de sécurité sociale des Etats membres de l’Union européenne. Ceci est explicitement indiqué dans l’article 2.2 dans la directive CEE 92/49."

Georges Lane :
Ces phrases ne se suivent pas logiquement. La première évoque le plein respect, la deuxième le marché unique et l'exclusion, et la troisième complète la deuxième par une indication. Malgré la faute de français - il eut fallu écrire "cela" et non pas "ceci" -, il y a un "non sequitur" entre la première et la deuxième. La question du marché unique et de l'exclusion, aspect "offre", est sans relation avec la question du plein respect, aspect "demande". Les directives qui sont supposées respecter les principes de l'offre de l'Union européenne - libre établissement, libre prestation et libre circulation - ne sauraient respecter les principes de la demande pour la raison que l'Union européenne n'en a pas : c'est un de ses vides juridiques !
Et si on veut que l'Union européenne soit viable, il faut que le législateur se prononce explicitement sur les principes de l'ordre de la demande. La Cour de justice ne l'a pas fait pour l'instant à ma connaissance.

Laure :
Dans les directives européennes, on ne parle jamais de "marché unique de l’assurance privée" ! Les seuls régimes qui ne sont pas concernés par les directives sont les régimes légaux (le ministère emploie le terme plus flou de "régime de sécurité sociale", il évite à dessein le terme officiel de "régime légal").

Le communiqué ajoute :
"La Cour de justice des communautés européennes, saisie de plusieurs recours portant sur l’obligation d’affiliation à la sécurité sociale, a confirmé par deux arrêts datant de 1994 et 1996, la conformité des dispositions du code de la sécurité sociale au droit communautaire."

Georges Lane :
Cela est en partie exact. Les arguments développés dans au moins un des arrêts démontrent que la Cour de justice est pour le moins mal à l'aise avec la question. L'arrêt Garcia (1996) est exemplaire à cet égard pour autant qu'après avoir fait comprendre que la partie "Garcia" a raison, la Cour fait un 180 degrés et conclut qu'elle a tort au motif que pour pouvoir fonctionner, il faut que la répartition, "technique employée par la sécurité sociale", soit obligatoire.
Aucun principe de droit européen n'est donc avancé et pour cause, il n'y en a pas dans ce domaine. Seule l'est une considération qui est présentée comme technique et qui ne l'est pas en réalité. - Je ne développe pas, je vous renvoie à tout ce que j'ai pu écrire sur le sujet ou à une fameuse lettre hebdomadaire de Jacques Garello commentant l'arrêt.

Laure :
Je ne connais pas cette lettre de Jacques Garello ...

Le communiqué conclut :
"Les entreprises qui inciteraient leurs salariés à ne plus cotiser à la sécurité sociale se placeraient dans une situation illégale faisant peser des risques juridiques lourds sur leurs propres salariés. Il est rappelé à cet égard que le refus d’acquitter les prélèvements sociaux et le fait d’inciter les salariés à cesser de cotiser à la sécurité sociale exposent l’employeur à des poursuites pénales.
La France a fait le choix d’une sécurité sociale solidaire protégeant l’ensemble de la population quelles que soient les caractéristiques d’âge ou de santé des citoyens. Ce choix a été réaffirmé dans le cadre de la loi portant réforme de l’assurance maladie qui rappelle dans son article 1er : « La Nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de l’assurance maladie. »
La contrepartie des droits reconnus à tous les résidents en France est l’obligation pour tous de cotiser à ce socle commun de protection sociale."


Georges Lane :
Mis à part l'intimidation et le chantage du communiqué qui fleurent bon ceux des pires régimes totalitaires, jamais la France, jamais la Nation française n'a été appelée à se prononcer, par un vote libre et démocratique, sur le "caractère universel, obligatoire et solidaire de l'assurance-maladie".
La seule tentative, détournée, pour y parvenir a même lamentablement échoué en 1997 avec la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le Président de la République. Résultat des élections qui ont suivi : un changement de majorité et M.Juppé et les membres de son gouvernement qui avaient eu la prétention de réformer, une bonne fois pour toutes, l'assurance-maladie obligatoire ont été renvoyés dans leur foyer.

A défaut de faire autre chose, Messieurs les Ministres rêvent.
Mais à coup sûr ils vont devoir se réveiller.

Laure :
Le premier paragraphe ne se focalise que sur les salariés. Rien sur les travailleurs indépendants et professions libérales. Le dernier paragraphe est faux puisque les résidents qui travaillent à l'étranger (travailleurs frontaliers) sont dispensés.
Sur l'origine collectiviste de la SS, voir ce qu'en dit David Valancogne. Quant aux poursuites pénales, pourquoi ceux qui ont quitté depuis quelques années n'ont-ils jamais été inquiétés ?

Bref, au nom de l'exception française, on continue dans la logique esclavagiste et le "wishful thinking", le but étant de gagner du temps. Et pour cela, les clowns qui nous gouvernent (André Santini emploie un autre terme) nous offrent un festival du mensonge.

1 commentaire:

georges lane a dit...

Chère Laure.

A la réflexion, les phrases du communiqué :
"Cette obligation respecte pleinement les directives européennes sur l’assurance (directives CEE 92/49 et CEE 92/96). Ces directives ont mis en place un marché unique de l’assurance privée mais ne concernent pas les régimes de sécurité sociale des Etats membres de l’Union européenne."
méritent une attention méticuleuse.

Je pose la question : comment l'obligation pourrait-elle respecter pleinement les directives européennes sur l'assurance puisque ces directives ne concernent pas les régimes de sécurité sociale?
L'obligation d'être affilié à un régime pourrait respecter pleinement des directives s'il y avait des directives portant sur les régimes de sécurité sociale. Les rédacteurs du communiqué nous certifient qu'il n'y a pas de telles directives : sans qu'ils s'en rendent compte, leur propos est illogique, incohérent, ils sont inconséquents. L'obligation ne saurait respecter des directives qui n'existent pas.
Voilà donc un fait juridique enfin acquis, attestant le vide du même nom où nous nous trouvons.

Question 1: que respecte l'obligation d'être affilié à un régime?
Question 2: à supposer que la réponse officielle soit que l'obligation respecte quelque chose de "Français" et "sacré" ou "républicain", en quoi ce quelque chose n'est-il pas inconciliable avec les principes européens fondamentaux du libre établissement, de la libre prestation et de la libre circulation ?
Question 3 : s'il l'est, que faire?
En attendant, une chose est certaine : ces questions révèlent un chaos dont les hommes de l'Etat doivent rendre compte et dont chaque Français doit supporter le coût.
Autre chose certaine : aucun Français ne saurait être poursuivi par les tribunaux pour ne pas avoir compris la situation et, en conséquence, pour ne pas avoir satisfait aux obligations de "cotiser".